Résumé
Le Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles examine ce qu’il en coûtera aux Canadiens ordinaires et aux entreprises pour que le Canada atteigne ses cibles de réduction de gaz à effet de serre (GES). Il s’intéresse aux conséquences que ces cibles auront pour cinq secteurs de l’économie canadienne : l’électricité, le transport, le pétrole et le gaz, les bâtiments ainsi que les industries tributaires du commerce et à forte intensité d’émissions, qui sont principalement des industries lourdes se faisant concurrence sur les marchés internationaux, comme l’acier et le ciment. Ce deuxième rapport provisoire porte sur le secteur des transports et fait suite à un premier rapport provisoire portant sur l’électricité. Le rapport final du comité devrait être publié à la fin de 2017 et incluera toutes les recommandations nécessaires destinées au gouvernement fédéral pour l’aider à honorer ses engagements en matière de réduction des GES d’une manière durable, abordable, efficiente, équitable et réalisable. En décembre 2015, le Canada et 194 autres pays ont conclu à Paris un accord au sujet des changements climatiques. C’est une tâche herculéenne qui attend le Canada : éliminer 219 mégatonnes d’émissions de GES d’ici 2030, soit une réduction de 30 % par rapport au niveau de 2005. Pour y parvenir, le pays devra réduire ses émissions de GES dans l’ensemble des secteurs de son économie. Avec la décarbonisation des transports, le Canada a la possibilité de réduire considérablement ses émissions de GES, par exemple en augmentant le nombre de véhicules de remplacement, en améliorant l’efficacité du carburant automobile, en délaissant les carburants pétroliers au profit de carburants propres et en concevant des modes de transport à faibles émissions accompagnés d’investissements dans les collectivités et les infrastructures. Mais la route ne sera pas pour autant dépourvue d’embûches. Les émissions de GES produites par le secteur des transports comptent pour près du quart (23 %) de tous les GES du pays. Seul le secteur pétrolier et gazier le surpasse. La majorité des émissions produites par les transports sont le fait des véhicules à passagers et à marchandises, une réalité attribuable à la vaste superficie de notre pays. Même avec une hausse du nombre de véhicules sur la route, on s’attend à ce que les émissions baissent de 8 % par rapport au niveau de 2005 d’ici 2030, grâce à des normes d’efficacité énergétique plus rigoureuses, à des modifications techniques et technologiques et à l’adoption de carburants de remplacement comme l’électricité, le gaz naturel et l’hydrogène. Comme nous l’avons indiqué dans le rapport provisoire sur le secteur de l’électricité, le réseau électrique du Canada est l’un des plus propres du monde et produit de l’énergie sans émissions dans une proportion dépassant les 80 %. C’est un avantage national indéniable qui formera la dorsale d’un système de transport alimenté par une électricité propre. L’électrification des transports passera par l’adoption à grande échelle de véhicules électriques sur la route ainsi que par l’amélioration et l’électrification des transports collectifs. En fait, l’Agence internationale de l’énergie a récemment déterminé que pour respecter l’engagement de l’Accord de Paris de limiter à moins de 2 °C vii l’augmentation des températures mondiales, il faudra transformer en profondeur la production et la consommation d’énergie d’ici 2050. Parmi les grands changements nécessaires pour réduire les émissions dans les secteurs de l’électricité, de l’industrie et du bâtiment, l’Agence a indiqué que sept nouvelles voitures sur dix devront être électriques, contre une sur cent aujourd’hui. Au Canada, les véhicules électriques représentent actuellement une petite fraction seulement des véhicules sur la route. Les mesures visant à les populariser devraient stimuler la demande en électricité; il faudra donc investir dans l’infrastructure de l’électricité et des transports. Il faudra aussi électrifier les autobus et les trains de banlieue. La difficulté consistera à veiller à ce que les investissements se traduisent par une baisse des émissions d’une façon qui soit efficace, abordable et juste pour les Canadiens et qu’ils représentent une saine gestion des deniers publics. Les investissements dans les transports en commun exigeront aussi un changement dans le comportement des consommateurs. Tant que l’autobus ne sera pas plus facile, rapide et bon marché que la voiture pour se déplacer au quotidien, les investissements ne résulteront pas en une baisse des émissions telles qu’escomptées. Les normes sur l’efficacité du carburant des véhicules sont un autre outil stratégique fort utile pour réduire les émissions produites par le transport routier. En effet, l’expérience montre que les fabricants d’automobiles sont capables d’en améliorer le rendement avec le temps lorsqu’il y a de la certitude sur le plan de la réglementation. Toutefois, l’incertitude qui règne quant aux politiques fédérales de réduction des émissions aux États-Unis pourrait ralentir les gains d’efficacité des moteurs à combustion interne au Canada. Étant donné que les secteurs de la construction automobile des deux pays sont fortement intégrés et qu’ils sont assujettis à des normes d’émissions harmonisées, les mesures que prend le Canada pour rendre ses normes d’efficacité énergétique encore plus rigoureuses pourraient s’avérer difficiles si les États-Unis décident d’annuler les normes dont ils avaient fait l’annonce. Les améliorations apportées à l’efficacité énergétique des véhicules en feront augmenter le prix d’achat, et même si l’on s’attend à ce que les économies à la pompe compensent la hausse du prix des véhicules, cela demeure un coût initial supplémentaire et obligatoire pour l’acheteur. Pour réduire les émissions de GES produites par les moteurs à combustion interne, il est possible de mélanger des biocarburants comme l’éthanol et le biodiesel avec les carburants pétroliers. D’ailleurs, la réglementation fédérale exige déjà l’ajout d’un mélange de biocarburant dans l’essence automobile, le diesel et l’huile de chauffage, et plusieurs provinces ont aussi instauré des mandats relatifs à la teneur en carburant renouvelable. Le fédéral, les provinces et les territoires, par le truchement du Cadre pancanadien sur la croissance propre et les changements climatiques, se sont engagés à collaborer avec l’industrie et d’autres intervenants en vue d’élaborer une norme nationale de carburant propre. Le Cadre pancanadien sur la croissance propre et les changements climatiques prévoit aussi un modèle national de tarification du carbone qui, selon le design, pourrait s’appliquer au carburant de transport de certaines provinces et de certains territoires. Comme ce sont les consommateurs de combustibles fossiles qui assumeront les coûts du carbone, cela enverra un signal-prix aux marchés du transport au fur et à mesure que le prix du carbone augmentera. Puis, au fur et à mesure que les marchés réagiront au prix du viii carbone, les consommateurs délaisseront les options de transport à fortes émissions de GES et opteront pour des produits à faibles émissions. Certaines provinces se servent des recettes de la tarification du carbone pour subventionner l’achat de véhicules de remplacement et construire des bornes de recharge et de ravitaillement, tout en veillant à ce que la tarification du carbone demeure équitable pour les Canadiens à faible revenu, qui assumeront une part disproportionnée des coûts du carbone comparativement aux mieux nantis. Éviter les pires conséquences des changements climatiques en atteignant d’ici 2030, comme première étape, les objectifs canadiens de réduction des GES dans le cadre de l’Accord de Paris ne sera pas une mince affaire. Pour s’en faire une idée, même si toutes les autos et tous les camions, avions, trains et navires disparaissaient du Canada d’ici 2030, notre cible nationale serait loin d’être atteinte. Le comité est d’avis que les Canadiens devraient avoir une idée exacte de ce qu’il faudra accomplir pour atteindre nos objectifs de réduction des GES. L’augmentation des coûts du transport se veut un rappel de ce que la transition vers une économie à faibles émissions de carbone coûtera concrètement aux Canadiens ordinaire.
https://sencanada.ca/content/sen/committee/421/ENEV/reports/TransportationReport_FINAL_f.pdf